Le Ping-Tchéou se trouvait donc entièrement conquis[1] ; humilier les Tartares Ou-Hoan, et mettre la main sur Youen-Hy pour couper le mal dans sa racine, tel était le double projet sur lequel Tsao-Tsao consulta son conseil. Tsao-Hong et les autres disaient : « Les deux fils de Youen-Chao ont été battus ; leurs généraux sont morts ; leur puissance est anéantie, et il ne leur reste plus d’armée. Les voila réfugiés chez les Barbares, hors des limites de l’Empire ; mais ces étrangers sont plus avides de butin que bienfaisants ; que feront-ils pour eux ? Rien. Aujourd’hui si vous conduisez vos troupes sur le territoire de la Tartarie, sans doute Hiuen-Té et Liéou-Piao se porteront, avec leurs forces réunies, contre la capitale ; il ne sera guère facile de la secourir. Et voila que de grandes calamités surgiront ! Retirez vos armées et n’allez pas au-delà ; c’est le plus sage parti ! »
« Vous êtes tous dans l’erreur, objecta Kouo-Kia ; la puissance de notre maître ne rencontre rien qui lui fasse obstacle, j’en conviens ; mais ces habitants du désert[2], comptant sur la distance qui les sépare de nous, ne sont point prêts à la résistance. S’ils ne sont pas sur la défensive, il suffit de les attaquer vivement pour les battre. D’ailleurs, il y a eu entre eux et Youen-Chao, échange de bons procédés ; deux des fils de celui-ci ont trouvé un refuge chez ces Tartares. Si donc nous abandonnons les Ou-Hoan, que l’occasion nous livre, pour marcher au sud contre d’autres ennemis, les deux Youen sauront trouver dans ces alliés un point d’appui. Youen-Chang rassemblera les serviteurs de son père et de ses frères. Le chef des Tartares[3] deviendra plus ambitieux ; il épiera l’occasion de satisfaire sa con-
- ↑ Tsao-Tsao se trouvait maître des quatre provinces soumises naguère aux Youen et qu’il avait gagnées successivement ; c’étaient les Tchéou ou provinces de Tsing, de Ky, de Yéou et de Ping.
- ↑ Cette expression appartient à l’édition in-18, plus moderne et par conséquent plus portée à placer indistinctement, dans le désert de Cha-Mo ou Kobi, ces hordes que la Chine eut l’occasion de bien connaitre au temps des premières dynasties, mais dont le territoire, dans son ensemble, n’était point encore fixé par des cartes exactes.
- ↑ Le chef de cette horde se nommait Me-Tha. Dans son tableau ethnographique de l’Asie intérieure et moyenne, Klaproth dit : « An 209 avant J.-C.,