Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/84

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opposées, et conclut en disant)[1] : « Vous êtes ministre de l’Empereur ; au nom de la fidélité due au souverain, marchez contre le rebelle ; qui donc serait assez hardi pour ne pas vous obéir ? Non, ni Youen-Chao ni ses pareils ne doivent vous inspirer la moindre crainte ! — Puissé-je posséder véritablement les talents que vous m’accordez, reprit le premier ministre ! Les choses étant ainsi, il faut que je lève des troupes pour châtier le rebelle ?… — Non, pas encore, répliqua le conseiller. Dans le Su-Tchéou, il y a Liu-Pou, toujours prêt à faire quelque méchante action ; si vous marchez contre Youen-Chao, très certainement il profitera de l’occasion pour vous nuire. Écrivez plutôt à Youen une lettre qui le tranquillise ; nommez-le à quelque emploi élevé, promettez-lui des secours en vivres, et quand il sera bien occupé dans cette guerre avec Kong-Sun-Tsan, tombez tout d’abord sur Liu-Pou ; après cela vous en finirez d’un seul coup avec Youen-Chao. »

« Ah ! s’écria Tsao tout joyeux en frappant dans ses mains, Kouo-Kia par sa prudente sagacité, et vous par les ressources de votre esprit, vous surpassez Tchin-Ping et Tchang-Léang, si célèbres dans l’antiquité[2]. Bien, je cours attaquer Liu-Pou. — Auparavant, interrompit Sun-Yo, envoyez dire à Hiuen-Té qu’il se tienne prêt à vous seconder, et attendez sa réponse pour entrer en campagne. »

  1. Il le fit en des termes si pareils à ceux que venait d’employer l’autre conseiller Kouo-Kia, que les répéter ici ce serait pousser l’amour du texte jusqu’au fétichisme. Ce chapitre, presque tout en entier en dialogues (d’un fort beau style chinois), paraîtra au lecteur français assez long encore.
  2. Le texte dit : Les ressources de Fong-Sien et la sagacité de Wen-Yo ; ce sont les surnoms de Sun-Yo et de Kouo-Kia ; un supérieur qui parle familièrement à son inférieur, un ami qui cause avec un ami, s’appellent volontiers par cette dénomination qui entraîne avec elle une certaine intimité ; pour la même cause, en l’absence de quelqu’un, on s’en sert avec un sentiment de mépris ou de colère. — Tchin-Ping, l’an 205 avant J.-C., vint demander du service à Liéou-Pang, fondateur de la dynastie des Han, après avoir quitté son compétiteur Hiang-Yu ; Tchang-Léang, qui fut ministre de ce grand monarque, se rallia à sa cause la même année. Voir l’Histoire générale de la Chine, tome II, page 461 ; et les Mémoires sur les Chinois, tome III, page 56.