Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porte, sans tourmenter les assiégés par des paroles piquantes, sans donner aux siens l’ordre d’attaquer les remparts. Là-dessus, Yun envoya, vers la porte de l’est, des espions qui lui rapportèrent que Tchang-Fey (son frère d’armes), poussé à bout par les provocations, s’était lancé hors des murs et voulait se battre à outrance. Yun accourt sur les lieux ; et voyant le bouillant capitaine aux prises avec Tchang-Liéao, il se hâte de faire rentrer les troupes dans les murailles. — « Frère, lui cria Tchang-Fey, Liéao avait peur de moi ; il était en fuite, pourquoi m’avez-vous forcé de revenir ? — Celui que vous poursuiviez, répondit Yun, est un héros qui ne le cède en rien ni à vous ni à moi ; hier soir je lui ai dit de bonnes paroles, et j’ai vu qu’au fond de son cœur il incline à se ranger de notre parti. Voilà pourquoi j’ai empêché que le combat entre vous deux n’allât plus loin. »

Tchang-Fey calma son emportement et ne sortit plus des murs ; d’un autre côté, Liu-Pou, ennuyé de voir que le siège n’aboutissait à rien, vint en personne conduire l’attaque. Du haut des murs, Hiuen-Té lui dit : « Je ne suis point coupable en tout ceci ; son excellence m’a envoyé un ordre de Sa Majesté, et devant un pareil message que pouvais-je faire, sinon obéir ? J’ai dû agir en dépit de mes propres intentions ! » Ces paroles firent une certaine impression sur l’esprit de Liu-Pou ; il se contenta de tenir la place bloquée sans plus presser l’assaut, et revint lui-même à Su-Tchéou[1].

Aussitôt il envoya Hou-Mong, l’un de ses mandarins, vers Youen-Chu, pour s’excuser d’avoir rompu l’alliance projetée et lui promettre de nouveau sa fille[2]. Son message ne fut pas accueilli ; Hou-Mong rapporta la réponse suivante : Youen-Chu exigeait ayant tout que la jeune épouse destinée à son fils lui fut amenée. Ceci embarrassa Liu-Pou et le rejeta dans ses perplexités.

Sur ces entrefaites, arrivait à la capitale Kien-Yong ; il déclara

  1. On ne doit pas perdre de vue que l’auteur fait de Liu-Pou, en toute occasion, un guerrier turbulent. impétueux, incapable de se conduire par lui-même et obéissant aux impulsions qui lui viennent du dehors.
  2. Voir plus haut, page 10.