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écouter sans ennui une musique de danse, et je me surpris à suivre d’un œil curieux les ouvrières qui passaient dans la rue, le châle serré autour de la taille, l’accroche-cœur sur la joue et une rose dans les cheveux.

C’est ainsi que, peu à peu, après d’imperceptibles transactions de conscience et de sourdes infiltrations de sensualité, j’en arrivai à me mêler davantage à mes commensaux, à me moins choquer de leurs habitudes de dissipation et à prendre du goût même à certains de leurs plaisirs. Le soir, les pensionnaires se réunissaient dans le patio de la señora Gutierrez, et l’on y passait quelques heures à chanter et à regarder danser les ouvrières. L’abbé lui-même était de ces réunions ; il les tenait pour innocentes ; ce fut lui qui me décida à y assister en me remontrant qu’avec mes affectations de sauvagerie, j’indisposais contre moi nos commensaux et je mortifiais cruellement la señora Gutierrez.

Chez nous, vous le savez aussi bien que moi, le clergé jouit d’une liberté qu’on ne tolérerait pas dans les pays du Nord. Nos ecclésiastiques peuvent se mêler familièrement aux laïques, s’asseoir à la table d’un café, se promener sur