Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/116

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l’Alameda en compagnie des dames, et même assister aux réunions de famille, aux tertulias, où l’on fait de la musique et où les jeunes filles de la maison exécutent des danses nationales, ce qui, en France, serait regardé, je crois, comme tout à fait scandaleux.

— Pour sûr, s’écria l’abbé Palacios, on est ici d’une rigidité inconcevable sur le chapitre de la tenue, et l’autre jour j’ai été rudement tancé par le curé de ma paroisse pour avoir fumé une cigarette dans la sacristie !… Affaire de mœurs et de climat… En-deçà comme au-delà des Pyrénées, le diable n’y perd et n’y gagne rien…

— Donc, poursuivit Ramon, je ne me tins plus à l’écart, et, de même que mes commensaux, je fréquentai le patio de la señora Gutierrez, où, chaque soir, on se réunissait en attendant l’heure du souper. Le médecin jouait de la guitare, et les ouvrières dansaient en faisant sonner leurs castagnettes. La fille de la maison, Manuelita, était surtout remarquable par la grâce et la légèreté de sa danse. On ne pouvait pas dire qu’elle fût très jolie, mais elle était bonne enfant, et ses yeux d’un bleu noir avaient une pureté virginale qui manque souvent au regard