Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/214

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aux tiges roses, tantôt une prairie où des vaches brunes paissaient parmi des pommiers trapus.

Pascaline, vêtue d’un élégant costume de voyage couleur beige, coiffée d’un triomphant chapeau Rembrandt, était enchantée de cette fugue imprévue. Elle s’amusait des moindres incidents de la route, saluait les casseurs de pierres, jetait des sous aux petits pâtres qui se dressaient curieusement à la crête des talus, chantait à pleine voix des refrains d’opérette et riait de l’ébahissement des passants. — Jean la trouvait adorable, et ses yeux le disaient du reste. Il regardait d’un air admiratif sa taille, serrée dans un gilet de soie à raies brunes et maïs, sa poitrine ronde, dont le va-et-vient soulevait les revers de sa veste de velours, ses pieds mignons chaussés de bottines de cuir jaune et posés paresseusement sur la banquette. Il respirait voluptueusement le pénétrant parfum de peau d’Espagne qui imprégnait les vêtements de la comédienne, — et tous ces détails de toilette l’émerveillaient comme autant de nouveautés provocantes.

Pourtant, à mesure qu’on se rapprochait de Morgrève, son naturel timide reprenait le dessus.