Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/231

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théâtrales, elle secouait ses beaux cheveux noirs, y plongeait ses mains en arrondissant les bras, et pensait à l’effet qu’elle produirait sur les planches avec une pareille mise en scène…

Tout à coup, elle fut poussée violemment, le sol manqua sous ses pieds, et avant qu’elle pût jeter un cri, elle tomba la tête la première dans l’étang. — Elle se débattit d’abord désespérément dans cette onde bourbeuse, et sa tête reparut à fleur d’eau, au milieu des nénuphars dont les roses blanches semblaient s’entrelacer dans ses cheveux pour la couronner, comme une tragique Ophélie. Ses yeux, démesurément agrandis, se levèrent avec angoisse vers la berge escarpée. Pendant le long espace d’une seconde, elle put apercevoir Marie-Ange Jutel, agenouillée sur le bord de la pierre et la regardant d’un air farouchement impassible ; — puis elle se tordit dans une dernière convulsion en se cramponnant aux joncs dont les tiges frêles se courbaient, et de nouveau l’eau noire recouvrit son pâle visage d’agonisante.

Marie-Ange, les dents serrées, les lèvres froides, assistait sans bouger à cette agonie. Lorsqu’elle comprit que la comédienne était noyée