Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/27

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le gardien-chef ne possédait aucune des aptitudes d’un grimpeur, et il avait beau secouer l’arbre violemment, le délinquant ne bougeait pas.

— Ah ! tu résistes à l’autorité, chenapan ! Holà ! vous autres, qu’on m’apporte une hachette, et vivement !

À cette injonction lancée d’une voix tonitruante, deux détenus avaient obéi. Seurrot saisit rageusement la hachette qu’on lui présentait, et sans se soucier de commettre un délit forestier, il attaqua l’alisier au collet de la racine. Aux premiers coups qu’il porta, l’arbre frémit de la base à la cime, mais Bigarreau resta impassible. Les coups de hache se succédaient, l’écorce et l’aubier volaient en éclats, la sueur perlait sur le front du gardien. Les deux jeunes détenus que ce spectacle amusait prodigieusement, suivaient avec intérêt les progrès de l’entaille pratiquée dans le tronc du baliveau. On entendit un brusque craquement, et cette fois Bigarreau, réfléchissant que de deux maux il était sage d’éviter le pire, se laissa couler entre les branches, puis tomba comme un paquet sur le sol heureusement feutré d’une mousse moelleuse.