Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/282

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cette jolie fille qui évoquait pour lui les paysages forestiers de sa petite ville, y étaient pour beaucoup. Il lui sembla qu’il avait reculé de vingt ans en arrière, et qu’il était transporté dans quelque rustique logis de sa province natale. Ce vent dans les arbres, ce frais murmure d’eau vive, c’était la voix caressante de l’Aire et le frisson des futaies de l’Argonne ; cette cloche qui chantait là-bas, c’était celle de l’église paroissiale du bourg fêtant la veillée de Saint-Nicolas… Sa jeunesse ensevelie pendant vingt ans sous les paperasses administratives, sa jeunesse revivait dans toute sa verdeur, et devant lui les yeux bleus de Claudette riaient si ingénument, avec un éclat d’avril en fleur, que son cœur engourdi se réveillait et battait un plaisant tic-tac dans sa poitrine…

La vieille dame s’était réveillée en sursaut et balbutiait des paroles d’excuse. Hubert Boinville se leva ; il était temps de prendre congé. Après avoir chaudement remercié Madame Blouet et avoir promis de revenir, il tendit la main à Claudette. Leurs regards se rencontrèrent un moment et ceux du sous-directeur étaient si brillants, que les paupières de la jeune fille