Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/281

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cette liqueur du pays fabriquée avec de l’eau-de-vie et du vin doux ; puis, tandis que Claudette desservait, elle prit machinalement son tricot et s’assit près du poêle, tout en jasant ; mais, sous l’influence d’une chaleur douce, jointe à l’action de la fignolette, elle ne tarda pas à s’assoupir. Claudette avait posé la lampe au milieu de la table ; Hubert et la jeune fille se trouvaient ainsi presque en tête-à-tête, et Claudette, naturellement gaie et enjouée, défrayait quasiment à elle seule la conversation.

Elle aussi avait passé son enfance à Argonne, près d’une vieille tante, et elle rappelait à Boinville de menus détails locaux dont la précision le remettait insensiblement dans le milieu provincial d’autrefois. — Comme il faisait très chaud dans la chambre, Claudette avait entr’ouvert la croisée, et il arrivait des bouffées d’air frais, imprégnées de l’odeur maraîchère du jardin d’en bas, où l’on entendait le glou-glou d’une fontaine s’égouttant dans une auge de pierre, tandis qu’au loin une cloche de couvent sonnait lentement l’Angelus.

Hubert Boinville eut tout à coup une hallucination. La fignolette lorraine et les yeux clairs de