Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/34

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étaient occupés à se baigner dans le courant lorsque Bigarreau déboucha sur la rive. Ce fut à peine s’ils se dérangèrent, et le plaisir que semblait leur procurer ce bain matinal engagea le détenu à les imiter. Il eut vite mis bas ses vêtements et, nu comme un ver, il se plongea avec délice dans cette eau limpide que parfumait l’odeur des menthes et des reines des prés. Quand il s’y fut amplement débarbouillé, il alla se sécher en se roulant sur le tapis ensoleillé de la pelouse, puis il se rhabilla lentement. Pendant qu’il passait son pantalon, une idée ingénieuse lui illumina le cerveau. Au lieu de rendosser sa veste d’uniforme, il la roula en paquet et l’enfouit sous une large pierre plate, à l’abri d’un buisson. — Cette partie de son vêtement portait une étiquette matricule et avait une coupe réglementaire qui sentait la prison ; elle aurait pu le trahir, tandis qu’en bras de chemise et en pantalon de coutil, il pouvait passer à la rigueur pour un paysan.

Ces sages précautions une fois prises, il jeta autour de lui un regard d’affamé. Il avait mal soupé la veille et le bain venait de lui creuser encore plus à fond l’estomac. Après quelques