Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/33

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sière du grand chemin. Après avoir suivi de l’œil ce nimbe poudreux qui décroissait et se rapetissait dans la lumière vermeille du soleil levant, Bigarreau franchit le fossé, chaussa ses sabots et s’enfonça sous bois, à l’aventure.

Il marchait droit devant lui. Tout enivré de sa liberté reconquise, il savourait insoucieusement le plaisir de vagabonder à son aise, sans se demander où il irait, ni comment il vivrait. L’important, pour le quart d’heure, était de dépister les gardiens ; il avait sur eux deux heures d’avance et il les défiait bien de deviner quelle direction il avait prise. Il fit ainsi une bonne lieue en forêt, recherchant les fourrés et fuyant les clairières. Au bout d’une heure, la déclivité du terrain devint sensible et, après avoir dévalé rapidement le long du couloir d’une tranchée, Bigarreau se trouva au fond d’une gorge où courait un ruisseau.

L’endroit était très solitaire. Des deux côtés, les pentes boisées se relevaient presque à pic, veloutant d’une ombre froide la mince bande de prairie où le ruisseau creusait son lit à travers les salicaires, les épilobes roses et les spirées. Deux ou trois merles, seuls hôtes de cette combe,