Page:Theuriet - Gertrude et Véronique, 1888, 4e mille.djvu/320

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passé avait eu quelques heures sereines. Maintenant toutes les lumières étaient éteintes, et l’avenir plongeait dans des ténèbres pleines d’effroi. A mesure que le bois s’épaississait, Véronique sentait dans son cœur des mouvements d’irritation et de révolte.— Qu’avait-elle fait à la vie pour en être ainsi maltraitée ? Qu’était-ce que ce devoir auquel elle sacrifiait son amour ?… Où était écrite cette loi tyrannique ?… Ce n’était pas dans le ciel où les oiseaux s’envolaient au gré de leur caprice, ni sur la terre où les fleurs célébraient par milliers la fête de leurs libres amours… Quoi, ces plantes qu’effleurait sa robe s’épanouissaient librement ; ce ruisseau qu’elle côtoyait épanchait son eau sans contrainte ; elle seule ne pouvait suivre la pente de son cœur !…

Alors, avec un emportement désespéré, elle gravissait la montée obscure, au risque de se blesser aux souches d’arbre ou de dévaler au fond du ravin. L’huissier Cornefer s’essoufflait et s’étonnait de l’intrépidité de cette petite femme d’apparence si frêle. Il épongeait son front et était près de demander grâce. L’air était encore brûlant des chaleurs de la journée, pas un souffle n’agitait les feuilles ; parfois seulement un geai, réveillé en sursaut, s’enfuyait en