Page:Theuriet - Gertrude et Véronique, 1888, 4e mille.djvu/68

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et à Xavier. Elle revoyait ce dernier accoudé sur son établi, le menton dans sa main, pensif, concentré, les yeux tournés vers une vision intérieure. Elle le voyait aussi courant dans les bois à la recherche des premières fleurs de la saison, elle entendait encore l’accent profondément triste de sa voix, lorsqu’ils s’étaient dit adieu devant l’auberge… Quelle étrange nature et qu’y avait-il réellement au fond de ce cœur obscur ? Sous cette enveloppe dure et difficile à pénétrer, Gertrude devinait une féconde source de tendresse qui jaillirait peut-être un jour.— Et en pensant à toutes ces choses, elle pressait contre ses lèvres le petit bouquet d’anémones, le sauvage bouquet noué avec un brin d’herbe et qui sentait les bois et le printemps.

Hop ! hop !… Sur la route blafarde, parmi de grandes plaines nues et crayeuses, la voiture roulait, et les sabots des chevaux heurtant les cailloux faisaient jaillir des étincelles. Le ciel terne et sans étoiles bordait confusément un horizon monotone. Parfois la masse noire d’une ferme endormie se dressait sur la berge du chemin, ou bien, dans les champs, on entrevoyait un parc de moutons avec la maison roulante du berger… Et Gertrude songeait à la vie errante du régiment, quand elle suivait son