Page:Theuriet - Les Paysans de l’Argonne, 1870.djvu/11

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Le blé de ses sillons et le sang de ses fils,
Fier sentiment du droit écrasé par la force,
C’est vous qui pénétrez nos cœurs à rude écorce !
Nous ne comprenons rien, nous autres laboureurs,
Aux querelles des rois avec les empereurs,
Nous ne connaissons pas la gloire et ses chimères ;
Mais nous savons que les enfants sont à leurs mères,
Que nos champs sont à nous, que le sang veut du sang,
Et nous nous soulevons comme un flot menaçant…

Les paysans, avec des pleurs dans les paupières,
Demeurèrent longtemps au milieu des bruyères.
Tout à coup, brandissant leurs faux, mêlant leurs voix,
Ils jetèrent un cri qu’au loin l’écho des bois
Répercuta comme un tonnerre, et, l’œil farouche,
La rage dans le cœur, la vengeance à la bouche,
Ils bondirent parmi les ronces des halliers
Comme un fauve troupeau de rudes sangliers.
Ils coururent ainsi jusqu’aux âpres falaises
Où les noirs charbonniers surveillaient leurs fournaises.
Tout un groupe vaillant vivait sur ces hauteurs :
Braconniers, bûcherons, hardis et fiers lutteurs.