Page:Theuriet - Les Paysans de l’Argonne, 1870.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Comme pour une chasse, et derrière, à la file,
Dans un sentier bordé de genêts et de houx,
Graves, silencieux, ils le suivirent tous…
Ils marchaient, et la nuit tombait, et les nuées
Où les éclairs perçaient de blafardes trouées,
Dans le ciel orageux amassaient leurs plis lourds.
L’averse ruisselait… Ils avançaient toujours.
Enfin le charbonnier sur le bord d’une pente
Fit halte, et, leur montrant la profondeur béante,
Murmura lentement : « C’est par là qu’ils viendront. »

Dans la roche un ravin s’ouvrait, et d’un seul bond
Descendait brusquement au fond d’une clairière.
Un torrent s’y creusait un étroit lit de pierre,
Et la route longeait à pic le cours de l’eau.
Du creux de ce couloir au sommet du plateau,
Selon l’effort du vent, la voix d’une cascade
Arrivait jusqu’aux gens placés en embuscade,
Tantôt comme un fracas de chevaux au galop,
Et tantôt comme un faible et limpide sanglot.

Les paysans avaient barricadé la route.