Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/193

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feimes voile de rechef iusques au cap de Frie, ou nous recurët très bien les Sauuages du païs, monstrans selon leur mode euidens signes de ioye : toutes fois nous n'y seiournames que trois iours. Nous saluèrent donc les uns après les autres comme ils ont de coustume, de ce mot Caraiubé, qui est autant, côme, bonne vie, ou soyes le bien venu. Et pour mieux nous communiquer à nostre arriuée toutes les merueilles de leur païs, l'un de leurs grands Morbichaouassoub[1], c'est à dire, Roy, nous festoya d'une farine faite de racines, Cahouin, bruuage des Amériques. Auaty espèce de mil. et de leur Cahouin, qui est un bruuage composé de mil nommé Auaty, et est gros comme pois. Il y en a de noir et de blanc, et font pour la plus grande partie de ce qu'ils en recueillent ce bruuage, faisans bouillir ce mil aux autres racines, lequel après auoir bouilly est de semblable couleur que le vin clairet. Les Sauuages le trouuent si bon qu'ils s'en enyurent comme l'on fait de vin par deçà : vray est qu'il est espais comme moust de vin. Superstition des Sauuages à faire ce bruage. Mais escoutes une superstition à faire ce bruuage la plus estrange qu'il est possible. Apres qu'il a bouilly en grands vases[2] faits ingénieusement de terre grasse, capables

  1. Morbicha, en langue Tupi, signifie en effet souverain ou seigneur.
  2. Sur la fabrication du cahouin, consulter Montaigne, I. XXX. — Léry. § ix. — Thevet. Cosm. Univ. P. 916-917, avec planche très-expressive. — Basanier et de Gourgues. Relations sur la Floride Française. — Paul Marcoy. (Tour du Monde. n° 171.) Préparation de la Chicha dans les Andes. Léry affirme que cette distinction entre femmes et filles ne fut jamais nécessaire : « Ie répète nommément que ce sont les femmes qui font ce mestier