Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs ennemis. Ce prisonnier ayant esté bien nourri et engressé, ils le feront nourrir, estimas cela à grand honneur. Et pour la solennité de tel massacre, ils appellerôt leurs amis[1] plus longtains, pour y assister, et en manger leur part. Le iour du massacre il sera couché au lict, bien enferré de fers (dont les chrestiens leur ont donné l’usage) chantât[2] tout le iour et la nuict telles chansons[3]. Les Margageas noz amis sont gens de bien, forts et puissans en guerre, ils ont pris et mangé grand nombre de noz ennemis, aussi me mangerôt ils quelque iour quand il leur plaira : mais de moy, i’ay tué et mangé des parens

    mangé après qu’il sera grand et gras, car ils dient qu’il tient du père, et, si elle est fille, ils la feront mourir, car ils dient qu’elle tient de la mère, etc. »

  1. Lery. § xv : « Apres que tous les villages d’alentour de celuy où sera le prisonnier auront esté aduertis du iour de l’exécution, hommes, femmes et enfans y estans arriuez de toutes parts, ce sera à danser, boire et caouiner toute la matinée. »
  2. Lery. Id. « Or cependant après qu’auec les autres il aura ainsi riblé et chanté six ou sept heures durant : deux ou trois des plus estimez de la troupe l’empoignans, et par le milieu du corps le lians auec des cordes,… sans qu’il face aucune résistance, etc. »
  3. Montaigne cite une de ces chansons. I, 25 « qu’ils viennent hardiment trestouts, et s’assemblent pour diner de luy, car ils mangeront quant et quant leurs pères et leurs ayeulx qui ont servi d’aliment et de nourriture à son corps : ces muscles, dit-il, cette chair et ces veines ce sont les vostres, pauvres fols que vous estes : vous ne recognoissez pas que la substance des membres de vos ancestres s’y tient encores, sauourez les bien, vous y trouuerez le goust de vostre propre chair. »