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petites non habitées, prochaines de terre ferme, où sont les Canibales, lequel païs diuise les païs du Roy d’Espagne d’auec ceux de Portugal, côme nous dirons autre part. Puisque nous sommes venuz à ces Canibales, nous en dirons un petit mot. Or ce peuple depuis le cap de Saint Augustin, et au delà iusques près de Marignà, est le plus cruel et inhumain, qu’en partie quelconque de l’Amérique. Inhumanité des Canibales. Ceste canaille mange[1] ordinairement chair humaine, comme nous ferions du mouton, et y prennent encore plus grand plaisir. Et vous asseurez qu’il est malaisé de leur oster un home d’entre les mains quand ils le tiennent, pour l’appétit qu’ils ont de le manger comme lions rauissans. Il n’y a beste aux deserts d’Afrique, ou de l’Arabie tât cruelle, qui appete si ardemmêt le sang

    que l’île Fernando de Norônha. Consulter sur les rochers ou vigies épars dans l’Atlantique un intéressant mémoire de l’amiral Fleuriot de Langle (Société de géographie de Paris. Juillet 1863).

  1. Americ Vespuce est le premier qui ait signalé l’anthropophagie des Brésiliens, et il l’a fait en termes expressifs (Lettre à Lorenzo Medicis) : « S’ils sont vainqueurs, ils coupent en morceaux les vaincus, et assurent que c’est un mets très agréable. Ils se nourrissent ainsi de chair humaine ; le père mange le fils et le fils le père suivant les circonstances et les hasards des combats. J’ai vu un abominable homme qui se vantait d’avoir mangé plus de trois cents hommes. J’ai vu aussi une ville, que j’ai habitée environ vingt sept jours, et où des morceaux de chair humaine salée étaient accrochés aux poutres des maisons, comme nous accrochons aux poutres de nos cuisines, soit de la chair de sanglier sechée au soleil ou fumée, soit des saucissons, soit d’autres provisions de cette espèce. » Mais cette description paraît bien exagérée. On dirait une réminiscence des récits de divers voyageurs du moyen-âge.