Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/424

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leur langue, mâge l’autre[1] poisson en l’eau, hormis un, qui est grand comme une petite carpe, qui le suit tousiours, comme s’il y auoit quelque sympathie et oculte amytié entre les deux : ou bien le suit pour estre garanti et defendu contre les autres, dont les Sauuages quâd ils peschêt tous nuds, ainsi qu’ils font ordinairement, le craignent, et nô sans raison, car s’il les peut atteindre, il les submerge et estrâgle, ou bien où il les touchera de la dent, il emportera la pièce. Aussi ils se gardent bien de manger de ce poisson, ains s’ils le peuuent prendre vif, ce qu’ils font quelquefois pour se venger, ils le font mourir à coups de flèches. Espèce de poisson estrange. Estâs donc encores quelque espace de temps, et tournâns ça et là, i’en contemple plusieurs estranges que n’auons par deça : entre lesquels i’enveis deux fort môstrueux,[2] ayâs soubs la gorge comme deux tétines de cheure, un fanon au menton, que lon iugeroit à le voir estre une barbe. La figure cy deuât mise, comme pouuez voir, représente le reste du corps. Voila comme Nature grade ouuriere prend plaisir à diuersifier ses ouurages tât en l’eau qu’ê la terre : ainsi que le sçauant ouurier enrichist son œuure de pourtraits et couleurs, outre la tradition commune de son art.

  1. Il s’agit du requin. Le petit poisson dont parle Thevet, et qui s’est institué son compagnon, ou plutôt son commensal, est le pilote. Voir Espinas. Les Sociétés animales.
  2. Il s’agit de quelque amphibie, morse ou phoque, égaré dans la baie de Ganabara.