Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/494

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et ce à fin qu’ils empoisonnent leurs ennemis s’ils approchent, mettans le feu dedans, dont il en sort une fumée grosse et noire, et dangereuse à sentir pour la puanteur tant excessiue, qu’elle fait mourir ceux qui la sentent : outre ce qu’elle aueugle les ennemis, qu’ils ne se peuuent voir l’un l’autre. Et vous sçauent adresser et disposer ceste fumée de telle methode que le vêt la chasse de leur costé à celuy des ennemis. Autre stratageme. Ils usent pareillement de poisons faits d’aucunes fueilles d’arbres, herbes, et fruits, lesquelles matières sechées au Soleil, ils meslent parmi ces fagots et ramages, puis y mettent le feu de loing, voyans approcher leurs ennemis. Ainsi se voulurent ils defendre contre les premiers, qui allerent decouurir leur païs, faisâs effort, auec quelques gresses et huiles, de mettre le feu la nuict es nauires des autres abordées au riuage de la mer. Dont les nostres informez de ceste entreprise, y donnerent tel ordre, qu’ils ne furent aucunement incommodez. Toutesfois i’ay entendu que ces pauures Sauuages n’auoient machiné ceste entreprise, que iustement et à bône raison, côsideré le tort qu’ils auoient receu des autres. C’est qu’estans les nostres descenduz en terre, aucuns ieunes folastres par passetemps, vicieux toutefois et irraisonnables, comme par une maniere de tyrannie[1]

  1. Ce furent surtout les Espagnols qui prirent plaisir à massacrer les indigènes sans motif : aussi exciterent-ils contre eux des haines inexpiables. Il faut lire dans Las Casas l’abominable récit de leurs cruautés gratuites. Voir premier mémoire contenant la Relation des cruautés commises par les Espagnols conquérans de l’Amérique. Trad. Llorente. T. I, P. 1, 116.