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XIII
LES ÉCONOMISTES : SAINT-SIMON ET FOURIER
La quasi-littérature.
La vraie génération de 1789 se tient en marge de la littérature. Elle semble déléguée à la plus puissante explosion de vie qu’il y ait eu dans la suite des générations françaises. Génération de Napoléon, de même qu’il y a un Siècle de Louis XIV. Mais elle n’a pas reçu sa forme littéraire. Quand elle a un style, c’est qu’elle l’a demandé au passé avec Chénier et Chateaubriand, et une Genevoise sans style peut prendre la tête de la littérature de son temps. Le génie habite alors un monde de quasi-littérature, au sens du quasi-contrat des légistes. Les autres générations françaises sont des générations de littérature au comptant. Celle-ci est une génération de littérature à terme. Le terme vient à la génération suivante, celle du romantisme, et la signature est alors magnifiquement honorée, capital et intérêts.

Nous aurions hésité, en un autre endroit, devant ces métaphores de matérialisme financier. Mais il s’agit ici de ces deux contemporains de Napoléon, de Chateaubriand et de Mme de Staël, qui sont Saint-Simon, né en 1760 et Fourier né en 1772 soit, en 1789, l’un moins de trente ans, l’autre moins de vingt ans. Ce n’est pas surtout comme chef d’école, ou même de religion, à cause des termes de saint-simoniens et de fouriéristes légués à la langue française, qu’ils nous importent ici, mais d’abord comme sources d’idées révolutionnaires, prises dans l’élan et incorporées à l’être de la Révolution.