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I
LA GÉNÉRATION DE 1789
La Génération de Napoléon.
On s’est étonné de l’obstination avec laquelle Chateaubriand, né en 1768, se rajeunit toujours d’un an ; on a pensé uniquement qu’il s’agissait pour lui de faire partir d’une année de naissance commune, 1769, le parallélisme où il se complaît entre la carrière de Bonaparte et la sienne. Ce coup de pouce à l’aiguille des chiffres, retenons-le et adoptons-le comme une intention de créer cette réalité la génération de Napoléon. Mme de Staël, Chateaubriand et Napoléon naissent en trois années, de 1766 à 1769 : la Genevoise, le Breton, le Corse, sont des vingt ans en 1789, Napoléon littéralement, Germaine et René approximativement. Nous tiendrons ce synchronisme pour un point de départ des temps nouveaux.

Ces trois noms vont faire, dans les premières années du XIXe siècle, presque le vide autour d’eux, ils serviront à la France de témoins officiels devant le monde. Ils forment charnière dans la suite des générations. Quand nous les comparons aux autres charnières de la suite française, un caractère singulier nous frappe.

Deux sont des étrangers. Et le troisième un éternel émigré. Germaine Necker est la fille du contrôleur général, du technicien étranger, et elle incarnera, après Rousseau et son père la troisième vague de cette conquête genevoise dont l’histoire ne finit pas avec elle. Bonaparte, un autre de nos conquérants, est un Italien, aussi vrai Italien malgré son état civil français que Mme de Staël est vraie Genevoise malgré son état civil suédois. Et si Chateaubriand est Breton, il inaugure