Page:Thibaudet – Histoire de la littérature française.pdf/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Progrès, en dit : « Cette contemplation est pour moi un tranquille asile où le souvenir de mes persécuteurs ne peut m’atteindre » La Révolution jette bien des âmes dans ces asiles.

Ainsi la génération qui avait vingt ans en 1789 a été contrainte à un genre de vie et d’œuvres littéraires autres que ceux qu’elle aurait pratiqués si le cours des temps eût été normal. Elle s’est formée sans doute aux dépens d’un mouvement littéraire purement français qui eût été le produit direct, délicat, peut-être exténué du XVIIIe siècle finissant. Nous avons vu dans le volume précédent[1] vers quel horizon et pour quel départ s’infléchissait la courbe du courant littéraire à la veille de la Révolution. Ce départ est plus ou moins contremandé par la Révolution. Dans les huit années qui précèdent, de 1782 à 1788, ont paru les Liaisons Dangereuses, le Mariage de Figaro, Paul et Virginie. Or il est remarquable que Laclos, Beaumarchais, Saint-Pierre, ces trois témoins de la génération précédente, bien que dans la force de l’âge, et ayant tous trois survécu à la Révolution, y ayant adhéré, ayant été employés par elle, ne survivent pas littérairement à l’Ancien Régime, ne produisent plus rien qui compte.

  1. Ce volume sera publié ultérieurement (Note des Éditeurs).