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VII
LE THÉÂTRE ROMANTIQUE
Révolution et théâtre.
L’essentiel de la révolution romantique, c’était de s’emparer du théâtre comme la révolution politique avait eu à s’emparer d’abord du pouvoir exécutif. Il y avait en effet un siècle et plus que les débuts littéraires avaient lieu dans la tragédie, que la tragédie était la femme du monde que la jeunesse ambitionnait de posséder pour faire son chemin dans la vie, les vers, la prose, le succès. La Révolution avait empêché Chateaubriand et Mme de Staël de jeter la gourme tragique nécessaire. Leurs tragédies en cinq actes et en vers ne furent que différées, et il fallut qu’ils les écrivissent plus tard. Dans la première décade du siècle, un poète tragique, dont les pièces ne sont pas plus mauvaises que d’autres, mais ont été tournées en ridicule par la critique, va se tuer, de désespoir, près de Belley où il a un neveu en pension. C’est Lyon des Roys, le frère de Mme de Lamartine. Quand celle-ci trouvera des actes tragiques dans les tiroirs de son fils, qu’il partira pour Paris avec un Saül en vers pour le lire à Talma, on juge des transes de la pauvre femme. Heureusement les Méditations et la diplomatie le détourneront de la scène, à laquelle il ne reviendra que la cinquantaine passée, comme Chateaubriand avec Moïse, et, sans lendemain, avec Toussaint Louverture, tragédie nègre.

La révolution romantique n’est pas une révolution sans doctrines. Depuis la Littérature de Mme de Staël, et sans compter le préromantisme, dont on ne sait pas jusqu’où il remonte, elle a été préparée par un quart de siècle de manifestes. Or manifestes, littérature dogmatique, critique, polémique, concernent pour les trois quarts le théâtre. On sait l’importance du Cours de Littérature Dramatique de Schlegel,