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la musique de Rossini. Il revit ce mouvement dans les lettres et transporta ces vues sur la littérature parisienne. Le romanticisme lui parut le goût des hommes de son temps, le classicisme le goût de leurs arrière-grands-pères. Il réussit dans ses deux brochures ce même sujet qui fera le titre d’un livre manqué de Doudan : Les Révolutions du Goût.

Le théoricien de l’Amour.
De 1821 à 1830 les salons et les plaisirs de Paris, ont succédé à ceux de Milan ; Stendhal y reste l’éternel passionné, presque toujours déçu, du bonheur et de l’amour : un homme pour qui la vie ce sont surtout les femmes, la musique, la conversation, mais qui a reçu une vocation à la Montaigne, celle de se connaître, de se décrire, de tenir registre de lui. De là son livre, de l’Amour, qui est un ou plusieurs de ces registres, trop grossi de pages insignifiantes, qui font nombre, et qu’il ne faut lire entièrement qu’une fois, afin d’y marquer quarante pages à relire éternellement.
Promeneur et romancier.
En dehors d’un cercle d’amis, parfois ironiques, aucune de ses œuvres n’a de succès. Stendhal est trop éloigné de la grande voie où le romantisme va précipiter son cours et sa poésie torrentielle. Ces réflexions critiques humoristiques, ces pages extraites de ses journaux se continueront avec les Promenades dans Rome de 1829 et ces Promenades en France si vivantes que Stendhal a intitulées Mémoires d’un Touriste, en 1838. Elles se continueront surtout par trente volumes d’œuvres posthumes, de notes intimes, de souvenirs, de journaux, qui auraient à peine élargi ce cercle, ou qui seraient restés enfouis dans un éternel manuscrit, si d’une manière inattendue, à quarante-quatre ans, un romancier ne s’était découvert en Stendhal.
Les romans d’une expérience.
Tout roman implique une expérience. Mais on dirait que les cinq romans de Stendhal sont des expérimentations, c’est-à-dire des manières de varier, la plume à la main, son expérience personnelle. Au centre de chacun de ces romans, il y a un jeune homme qui ressemble plus ou moins à Stendhal, mais qui se développe dans un autre milieu, suit une autre ligne de circonstances, fait une autre fortune. Stendhal ob-