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Italianisme.
Aussi Stendhal n’y entre-t-il que tard et par hasard, par des compilations sur la peinture et la musique, et, en 1817, par son premier livre personnel, Rome, Naples et Florence, plus ou moins extrait de son journal : des impressions sur la société italienne, notées au début d’un séjour de sept ans en Italie, surtout à Milan : pays pour lui de la franchise et de la passion dans les conversations et dans les amours, qu’il oppose constamment au sang froid et à la vanité des Français, pays aussi d’une chasse au bonheur plus frémissante et plus pittoresque qu’en France. L’Italie de Stendhal est la plus vivante et surtout la plus vécue des Italies romantiques. Il se disait Milanais et se serait peut-être installé pour toujours à Milan si la police autrichienne ne l’eût rendu de force à sa patrie en 1821.
Stendhal devant les lettres
et la musique de son temps
.
Il avait commencé à vivre à Paris au lendemain du Génie du Christianisme. Il y revient au lendemain des Méditations : un genre de chance qui est spécial à cet anti-romantique. Il y trouve cependant sa vie, et dans le romantisme même, dans ce qu’on appelle à cette époque le romanticisme, ce préromantisme ou ce para-romantisme de 1824 à 1828, qui rappelle plus l’éphémère société du Consulat qu’il n’évoque celle de 1830, qui est clairvoyant et même idéologue, qui excelle dans la curiosité et l’intelligence des littératures étrangères, qui mesure et acclimate Shakespeare, qui trouve, sa place naturelle dans les salons et sa fonction ordinaire dans la critique, qui débouchera à la fois dans Nodier, dans Mérimée, dans le groupe du Globe, et auquel Stendhal donne peut-être son manifeste le plus juste avec Racine et Shakespeare.

Entre les deux parties de Racine et Shakespeare Stendhal avait publié, en 1825, une piquante et brillante Vie de Rossini qu’on ne peut pas séparer de ses deux brochures critiques. Sa passion pour la musique italienne, ses conversations dans les loges de la Scala et les salons de Milan, l’avaient rendu sensible au renouvellement constant du goût musical, qui change à chaque génération, et qui, sur le devant de la même loge, n’est pas le même chez la grand’mère, la mère et la fille : Il avait vu la conquête si rapide de toute une génération par