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XIV
LES ROMANS DES POÈTES
Romantisme
et autobiographie
.
Avec Rousseau, entre autres faits nouveaux de la littérature française, il y eut celui-ci que, jusqu’à la fin du romantisme, soit jusqu’au milieu du XIXe siècle, tout grand écrivain, tout grand poète, allait faire, au moins une fois dans sa vie, son roman et plus souvent ses romans. Le règne du romantisme est aussi le règne du roman ; on fait son roman comme, en classicisme, on faisait sa tragédie. Mais si aucun des grands poètes romantiques n’a manqué d’en écrire, aucun n’a marqué profondément dans le genre. Aucun n’a marché en tête et fait la trouée. Aucun qui n’ait été, plus ou moins, à la suite.

En principe le seul roman que tout écrivain contienne en puissance, c’est l’autobiographie plus ou moins transposée. Tel est le cas de Rousseau, de Chateaubriand, de Mme de Staël, auteurs de Mémoires, qui ont écrit leurs romans de la même encre que ces mémoires. Tel est, dans une certaine mesure, le cas d’Alfred de Musset, de Sainte-Beuve, dont la Confession d’un Enfant du siècle et Volupté idéalisent une destinée ou une aventure personnelles.

La situation de Lamartine, de Hugo, de Vigny, de Gautier, devant le roman est différente. Ce qu’ils rencontrent sur leur route, ce n’est pas seulement la tentation ou la sommation de l’autobiographie romancée, c’est la présence de l’épopée, et c’est l’existence du roman historique.

Lamartine.
Le cas de Lamartine semblera ici instructif. Lamartine naît a une époque et vit dans une province où le poème épique a gardé son prestige, où l’exemple de Chateaubriand indique naturellement à un jeune poète