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rester libre et ne pas se soumettre, pour le pain, au cant. Tout cela est assez oublié et on ne lit plus guère — et encore… — que le Capitaine Fracasse parce qu’il est sauvé par le style, par cette prose saine et succulente de Gautier, et aussi parce que c’est le bon roman picaresque d’un poète qui a compris fraternellement les poètes de ce temps de Louis XIII, où se passe Fracasse.

Ainsi donc tous les poètes romantiques se sont posé la question du roman, ont écrit des romans importants. Les précurseurs et les poètes du Parnasse, eux, ou n’y ont pas touché, comme Baudelaire et Leconte de Lisle, ou en ont fabriqué sans conviction comme Banville, qui au moins n’en fît qu’un, Marcelle Rabbe, Mendès qui en offrit tout un rayon, mais commercial, et Coppée, qui racontait en prose comme en vers tout ce qu’on lui demandait.

Le vrai roman parnassien, c’est le roman antique qui dérive plus ou moins de ce Tétrarque honoraire que fit Flaubert. Anatole France est aussi parnassien lorsqu’il écrit Thaïs que lorsqu’il compose d’après Gœthe son drame antique en vers, les Noces corinthiennes. L’œuvre la plus populaire, la seule populaire, du roman parnassien fut Aphrodite, écrite par un héritier du Parnasse, qui ne dépassa jamais son héritage, Pierre Louys, si ce n’est comme tirage en librairie ; cela ne va pas loin. Salué chef-d’œuvre par Coppée, il l’est resté pour les midinettes, ce qui lui a composé en somme une destinée assez logique.