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IV
NAPOLÉON

Thiers a dit — et Sainte-Beuve l’approuve — que Napoléon fut le premier écrivain de son temps, et l’on a soutenu ce paradoxe que sa vraie vocation était celle d’un homme de lettres. Il ne faut pas exagérer, mais certainement, et des points de vue les plus divers, sa personnalité domine la littérature de son temps. L’image de Victor Hugo, dans les Orientales, Napoléon à l’horizon du siècle comme le Vésuve à l’horizon de Naples, est aussi vraie pour le siècle littéraire que pour le siècle politique.

Comme Louis XIV, il a créé un climat, avec plus de volonté et moins de bonheur, le climat d’une littérature surveillée et contrôlée. Mais il ne faut pas rendre ce régime responsable de la médiocrité des lettres sous Napoléon. Il n’a tué que ceux qui ne pouvaient pas vivre ! Si l’Empire n’est qu’une période de transition littéraire, ce n’est que pour des raisons littéraires. En quoi les mauvais rapports de Chateaubriand et de Mme de Staël avec le maître ont-ils nui à leur œuvre ? Bien plutôt il semble que l’un et l’autre aient trouvé là un tonique, Chateaubriand l’occasion de son « Bonaparte et moi ».

L’Empire est le seul régime qui ait mis à la tête de l’Université un pur homme de lettres, Fontanes, lequel fut par ailleurs leur manière de délégué permanent auprès de Napoléon et servit souvent leur cause avec courage. La véritable influence sur les littéraires sera cependant une influence posthume, quand le romantisme vivra et écrira sous vingt formes une Imitation de Napoléon.

Son œuvre personnelle, comme littérature de souverain,