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tiques, lesquels étaient moins familiers à l’époque précédente et à l’école académique.

L’intérêt de ces recherches limitées, c’est qu’elles permettent de reviser sur les textes les lieux communs de l’histoire. L’histoire générale et philosophique est mal défendue contre les lieux communs, qu’elle n’a pas le temps de contrôler et qu’elle utilise tels quels dans sa bâtisse. À droite et à gauche, du côté Guizot comme du côté Michelet, elle est nourrie de ce que Flaubert appelle des idées reçues. La génération de 1850 a mis à l’ordre du jour historique l’étude des parties ingrates ou obscures de l’histoire, qui sont souvent les plus importantes, et le contrôle des idées reçues.

Chéruel avait été l’élève de Michelet, le professeur de Flaubert au collège de Rouen. Il met, par ses travaux considérables sur la première moitié du XVIIe siècle, le contre-poids du savant compétent dans une balance, à l’autre plateau de laquelle Victor Cousin s’agite avec légèreté, pétulance, et comique. Un professeur d’histoire remarquable, Camille Rousset, ouvrit les cartons d’une administration, celle de la guerre sous Louis XIV et en tira la grande Histoire de Louvois, qu’une nouvelle déclasserait sans peine, et qui pratique candidement la méthode hagiographique habituelle à ces monographies, mais qui nous fournit un type solide des travaux de détail en faveur dans la nouvelle école universitaire. Le même Rousset a donné le modèle d’une revision éclatante d’idées reçues dans son livre sur les Volontaires de 1791-1794. Le gouvernement le rendit un peu ridicule en ressuscitant pour lui la charge d’historiographe de France, qu’il conserva de 1864 à 1877 : des livres sur les guerres d’Algérie et de Crimée en sont le fruit. On ne rangera pas parmi les reviseurs autorisés d’idées reçues Lanfrey, l’auteur d’une Histoire de Napoléon Ier (1867-74) pamphlet lourd et haineux digne de son Histoire politique des Papes (1860).

Fustel de Coulanges.
Le maître de l’histoire pure pendant cette génération est Fustel de Coulanges, condisciple de Taine à l’École Normale, et dont la vie tient toute dans son enseignement et dans ses livres, deux registres qui ne se confondaient pas. La maxime où il proclamait le devoir historique « d’une vie d’analyse pour une