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plat d’un sonnet la rime, qui eût été hugolienne, d’ombre ou sombre avec scombre, on se rend compte des raisons pour lesquelles Hugo méprisa le sonnet Et l’on voit aussi en lisant Hérédia que le sonnet ne pouvait guère sortir du cercle parfait où l’enferma Ronsard, sous les auspices de qui Sainte-Beuve l’avait ranimé. Les sonnets de Hérédia qui sont restés les plus beaux, les seuls émouvants sous leurs contours parfaits, ce sont les sonnets grecs et les sonnets de la Renaissance, ou les sonnets simplement humains, ceux qui s’élèvent simplement, ainsi qu’un sein respire, en quatre ondulations, et se terminent comme un sourire qui va vers un visage humain, pour ce visage seul, non comme ce sourire au photographe, fléau du sonnet moderne.

Les Fantaisistes.
Le Parnasse fantaisiste issu de Banville ne manque pas d’agrément. C’est un don exquis que d’avoir de l’esprit en vers et d’en mettre dans ses rimes. Si Mendès a cherché vainement ce don, il ne manque pas à Coppée. Il fut le principal héritage qu’ait reçu le pauvre Albert Glatigny. Émile Bergerat y participa aussi dans sa Lyre comique. Comme Hérédia dans le sonnet et Banville dans la ballade, Léon Valade but dans un petit verre bien à lui, le triolet. Mais les vrais héritiers de Banville sont un peu postérieurs à la génération des Épigones : ce sont le délicieux Gabriel Vicaire (vingt ans en 1868) qu’il ne faut pas enfermer dans les seuls Émaux Bressans, et le balladeur patenté Laurent Tailhade (vingt ans en 1874) qui fit couler sur ses contemporains, par des gargouilles archaïques étonnamment sculptées, son flot injurieux.
Les Intimistes.
Malgré ses déclarations sur la poésie objective, malgré ses ambitions décoratives utopiques, ses clowns qui veulent percer les cerceaux pour rouler dans les étoiles, c’est dans la poésie de l’intimité et de la confession, sur la trace de Baudelaire, que le Parnasse a trouvé la voie libre.

En 1868, François Coppée intitulait Intimités son deuxième recueil poétique. Le meilleur de Coppée est en effet dans une poésie intime, délicate, généralement clairvoyante, pas trop hypocrite, de petit bourgeois, de petit employé, de petit amoureux, de petit poète. Nous avons dit que Béranger fut le seul