Page:Thibaudet – Histoire de la littérature française.pdf/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans doute rien de capital à la poésie française. Il y a parmi eux des élèves de grands ateliers, ceux de Leconte de Lisle, de Banville et de Baudelaire. Beaucoup des poètes parnassiens appartiennent d’ailleurs à deux ou trois de ces ateliers : Coppée et Mendès ont travaillé selon l’occurrence d’après n’importe lequel des Tétrarques.

Ce n’est pas là une critique. D’abord il est nécessaire et sain que de grands poètes fassent école. Ensuite, les Tétrarques, élèves eux-mêmes souvent, de Hugo ou de Sainte-Beuve, avaient inspiré bien d’autres poètes que leurs Épigones. L’influence des Poèmes antiques n’est pas étrangère à la Légende des Siècles, ni celles des Émaux et Camées aux Chansons des Rues et des Bois. Enfin les Épigones du Parnasse retenus par la postérité l’ont été en raison de leur originalité, qui est réelle.

Les Décorateurs.
On distinguerait aisément dans le Parnasse le courant décorateur, sorti de Leconte de Lisle, le courant fantaisiste, sorti de Banville, le courant intimiste, sorti de Baudelaire.

Contemporains de l’époque où les pièces d’honneur du salon étaient de grandes machines historiques, portant eux-mêmes au théâtre d’autres grandes machines historiques, les Parnassiens ont eu un sens vif du décor archéologique. Coppée et Mendès ont écrit sous forme de récits épiques leur petite Légende des Siècles. Une seule forme originale est sortie de là : le sonnet de Hérédia.

Aucun cadre ne favorise mieux que celui du sonnet le poète épris de perfection technique. Aussi le Parnasse a-t-il été un grand atelier de sonnets, dont Hérédia est devenu le patron, à un tel point qu’après lui le sonnet est entré dans le sommeil, qu’il dort encore. Cet ouvrier d’art a compris le sonnet comme une reliure, ou une armure : mais reliure admirable sur un texte banal, armure de rimes, vide comme celles d’Eviradnus, où sous la bourguignote un rat (de bibliothèque) grignote. Les sonnets historiques romains, castillans, japonais, des Trophées, ont vécu, ils ont ébloui, dans leur nouveauté, les hommes cultivés, de 1880 à 1900. Ils ont pris ensuite pour les jeunes garçons de province, au temps de Francis Jammes, la figure auguste et creuse des Envois de l’État dans le musée de leur ville natale. Quand on voit présenter sur le