Page:Thibaudet – Histoire de la littérature française.pdf/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VI
FLAUBERT
L’Héritage de Balzac.
Flaubert était à Constantinople quand il apprit la mort de Balzac. Il allait avoir trente ans. Le problème de l’héritage d’Alexandre inquiétait Paris. Flaubert ne pensa pas, ne paraît jamais avoir pensé, que l’héritier pût être lui. Quand lui-même mourut trente ans après, le doute n’était plus permis. Mais l’hégémonie disparut avec lui. Balzac eut un successeur, Flaubert non.

L’œuvre de Flaubert n’est pas un monde, comme celle de Balzac. Elle n’est pas constituée, comme la Comédie Humaine par son titre, en corps littéraire, en Cosmos. Elle part en diverses directions, tente diverses expériences. Si l’œuvre flaubertine portait comme celle de Balzac un titre général, ce serait celui de Montaigne : Essais. Et les Essais de la maison de Croisset ont institué, dans la littérature française, comme ceux de la tour périgourdine.

Une fortune et une famille, un héritage et une hérédité, une tranquillité et une indépendance fortement bourgeoises, soustraites aux affaires et au mariage, dans la province à la fois la plus originalement solide et la plus proche de Paris, ont permis à Flaubert d’épouser la littérature, de mener ses Essais en toute lenteur et patience. Ces Essais se sont complétés d’une façon inattendue après sa mort par deux ailes très importantes : l’œuvre manuscrite de jeunesse, et la correspondance.

Dans l’œuvre de jeunesse importent uniquement les recueils autobiographiques, soit l’autobiographie directe des Mémoires d’un fou et de Novembre, et l’autobiographie transposée de