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plan appartient à la musique, et où les acteurs peuvent aussi modifier, improviser, resserrer ou étendre : ce qui, évidemment, n’est possible qu’avec une troupe supérieure et très homogène, comme l’était alors celle des Bouffes-Parisiens. La Belle Hélène, très mal accueillie aux premières représentations, fut en partie refaite sur le tas par les acteurs, qui ramenèrent le public, transformèrent une déroute en l’un des plus grands triomphes parisiens et européens de l’époque. Le génie des auteurs n’est pas diminué par là. Bien au contraire ! La pièce élastique, la pièce qui s’offre elle-même à la mise au point, c’est un genre qui a ses difficultés et ses réussites. Le miraculeux c’est qu’elle ait continué, qu’après 1920 on ait pu voir jouer encore triomphalement la Belle Hélène, à Paris, à Stockholm, et ailleurs.

Collaboration des auteurs, du musicien, des acteurs et du public. Dans cette manière de Commedia dell’arte, tout se passe comme si le public entrait dans la chaîne, prenait parti, et, de public passif, devenait public actif : c’est la révolution de mouvement, comme celle du Chapeau de paille. L’opérette littéraire de Meilhac et Halévy ne se comprendrait pas sans le public, les mœurs, les échos, le train de ces dix années de l’Empire libéral qui trouvent leur moment privilégié dans l’Exposition de 1867. La Grande Duchesse de Gérolstein, la pièce même de cette année et de cette Exposition, c’est Paris en Allemagne, et la Vie parisienne qui préparait, l’année précédente, l’Exposition, c’est l’étranger germanique à Paris. Et même la Belle Hélène dans le gâtisme héroïque d’Achille et d’Ajax, ne se faisait pas faute d’évoquer les généraux de l’Empire aux charades de Compiègne. Ainsi le Mariage de Figaro, avant la Révolution.

1870 emporta Offenbach et sa musique. Mais, en 1869, Meilhac et Halévy avaient réussi une comédie gaie, à fin larmoyante, qui connut le succès pendant trente ans, Froufrou. Elle fut suivie d’une douzaines d’autres. Ces tableaux animés de la vie parisienne, brillants de mots, légers, adroits valent pour une génération. Meilhac et Halévy fournirent encore un premier plan à l’exposition de 1878, Meilhac seul à celle de 1889. Sa dernière pièce, Ma Cousine, triompha en 1890.