Tout cela est d’un métier éblouissant : le « peu de matière et beaucoup d’art » de Racine y triomphe. Mais dans cette génération de techniciens, la réputation du plus grand homme de métier de son temps est allée à Sardou.
Dans les Pattes de Mouche, une lettre joue le rôle dynamique du chapeau de paille d’Italie dans le vaudeville de Labiche, et on lui court après à l’intérieur d’une comédie de Scribe. Ce n’est pas plus malin, et c’est prodigieusement malin. Un Chapeau était le tour de Paris dans Paris. Dans les Pattes, cela devient le tour du monde sur un verre d’eau, le Verre d’eau de Scribe. La virtuosité de Nos intimes n’est pas supérieure, mais presque égale, et Sardou l’applique cette fois à une comédie de mœurs excellente. De sorte que, dès 1861, il avait écrit sa meilleure pièce.
Il put retrouver le même succès en 1865 avec la Famille Benoîton, en 1872 avec la comédie politique de Rabagas, en 1880 avec Divorçons. Il put bâtir des drames historiques comme Patrie ! (1869) et des comédies historiques comme Madame Sans-Gêne, en 1893, son dernier triomphe. La grande génération dramatique du XIXe siècle finissait en fanfare. Tout cela est oublié. Des quatre ou cinq grands noms qui ont rempli le théâtre entre 1860 et 1900, Sardou fut le plus purement viager. Grand constructeur, mais non grand inventeur, l’héritier de Scribe reste un héritier. Et voici la fiche de consolation : un héritier lui-même sans héritier. Il avait succédé à Scribe ; personne n’a succédé à Sardou. Depuis 1893, la situation officielle de prince du métier est vacante.