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ducteur est la plus vive et la plus colorée évocation de Cuba, et Tant pis pour toi a été trop vite oublié. Les romans historiques de Maurice Maindron, et particulièrement ceux qui se passent au XVIe siècle, Saint Cendre, et Blancador l’Avantageux mènent le lecteur dans une véritable boutique d’antiquaire érudit.

Les romans rares d’Élémir Bourges sont sortis d’un atelier aussi laborieux, mais plus moderne. Le Crépuscule des Dieux transporte curieusement un thème des Rois en Exil sur le plan tragique où se croisent des influences livresques et musicales, celles des dramaturges anglais du XVIe siècle et celle de Wagner. Ce grand tableau de musée, de même que son pendant, les Oiseaux s’envolent et les Fleurs tombent, a depuis poussé au noir. Mais ce n’est pas cette expression-là qu’on emploierait pour indiquer que René Boylesve n’a pas conservé toute la faveur qui l’accueillit de son vivant. On fera bon marché de ses romans libertins comme la Leçon d’Amour dans un Parc, et le titre seul du Parfum des Iles Borromées peut enlever à des délicats le goût de l’ouvrir. Mais Boylesve, comme un fruit des longs automnes de sa Touraine, a mûri jusqu’au bout. Les romans de ses dernières années seraient presque ses meilleurs, et sa Madeleine est une des femmes les plus délicatement étudiées du roman de ce temps. L’Enfant à la Balustrade mérite de rester comme un des récits les plus purement filés de la vie provinciale.

La greffe de la riche province sur la bourgeoisie aisée et sur les agréments mondains du XVIe arrondissement est sensible dans le style et l’art d’un Boylesve. Le roman ou le conte artiste de son contemporain Marcel Schwob formerait avec lui un de ces contrastes qui sont la vie même de Paris. L’érudition de Schwob ressemble bien moins à la riche Armada des Hérédiens qu’au magasin de l’antiquaire dans la Peau de Chagrin. Les routes de mer et les routes de terre y ont apporté les pièces rares mises en œuvre dans le Roi au Masque d’Or et les Vies Imaginaires ; c’est d’un style pur et beau, mais ces contes se sont refroidis, presque autant que toute cette joaillerie allégorique que le symbolisme trouve dans l’héritage du Parnasse, et qu’il liquide à perte : le Miroir des Légendes de Bernard Lazare, le Conte de l’Or et du Si-