En même temps que Sainte-Beuve dans le Moniteur puis dans le Temps, que Scherer dans le Temps, que Montégut dans la Revue des Deux Mondes, les lecteurs des années soixante avaient à leur disposition hebdomadaire la critique de Cuvillier-Fleury dans les Débats, d’Armand de Pontmartin dans la Gazette de France, de Barbey d’Aurévilly dans le Pays. Il n’y a rien à dire, non plus qu’à lire, de Cuvillier. Pontmartin était un gentilhomme comtadin, légitimiste en critique littéraire comme ailleurs, qui ne manquait pas de verve, encore moins de prétentions, et qui a réuni ses articles dans plus de volumes de Samedis que Sainte-Beuve n’en a donné de Lundis. On prendra peu au sérieux cette critique de relations et de parti, mais on y trouvera des pages amusantes, pas trop indignes d’un compatriote de Roumanille et il reste au moins de lui un assez succulent tableau des gens et des mœurs de lettres à Paris, vus par un provincial clairvoyant, qui s’appelle les Jeudis de Madame Charbonneau. Verve… pas prendre au sérieux… amusant… ces indications doivent être reportées à la troisième puissance sur Barbey d’Aurévilly, dont les recueils d’articles abondants, sous le titre Les Œuvres et les Hommes charrient dans un torrent de vie et d’images les magnifiques aperçus, les partis pris, les absurdités. D’un Scherer à un Barbey, l’amateur de critique pouvait évidemment passer par tous les climats, et toutes les flores. Mais enfin tout cela, en 1869, ne pouvait que faire sentir et voir plus vide la place que laissait Sainte-Beuve.
En fait elle n’a jamais été, depuis, bien remplie, et l’héritage critique de Sainte-Beuve ressemble à l’héritage poétique de Victor Hugo, à l’héritage romanesque de Balzac. Cependant parmi les jeunes gens qui allaient débuter après 1870 et prendre rang dans le mouvement de 1885, on trouve une