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VI
L’ÉCOLE PROTESTANTE
La Rentrée littéraire
des protestants
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La persécution officielle contre les réformés n’ayant cessé, en somme, qu’à la fin du règne de Louis XVI, la première génération de protestants qui ait pu respirer librement l’air français est celle de Guizot, qui a deux ans en 1789. Encore, à six ans, eut-il l’occasion de regretter les troupes du roi qui logeaient des balles dans les jupes de sa grand’mère aux assemblées du Désert, puisque la Révolution guillotina son père, confisqua ses biens, et que sa mère dut l’emmener à Genève, où il fut élevé. Guizot fera donc à peine exception si nous disons que, Rousseau restant à part, la rentrée du protestantisme dans la vie spirituelle française, la révocation littéraire de la révocation de l’Édit de Nantes, commencent en Suisse romande, sont le fait de Genève et de Vaud, de la bande de culture protestante qui s’était conservée le long du Jura entre la France gallicane et la Savoie ultramontaine.

Lyon, Suisse romande et Savoie forment par ailleurs une grande région littéraire : culture provinciale et étrangère soustraite en partie à l’influence de Paris — patricienne, mais non parlementaire — et, malgré Ferney, conservatrice de cet esprit et de ces formes religieuses que Paris, l'Académie, la culture encyclopédiste et la langue analytique avaient à la fin du XVIIIe siècle momentanément déclassées.

Les Necker : Jacques Necker.
À cette époque, en Suisse romande, une grande famille devient célèbre, celle des Necker. Necker était fils d’un Prussien devenu Genevois. Installé à Paris dès sa jeunesse comme banquier, ambassadeur, contrôleur général, tenant par sa