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Théâtre d’Amour.
C’est le titre sous lequel Porto-Riche a réuni ses pièces en volume, et ce titre est évidemment appelé par leur sujet. Non plus que Becque, Porto-Riche n’appartient exactement à cette génération, étant né en 1849 ; il travailla d’abord dans le genre romantique avec de mauvaises pièces en vers, se fit remarquer par un excellent acte en prose, La Chance de Françoise, et triompha en 1891, d’un triomphe partagé avec son interprète Réjane, en donnant Amoureuse à l’Odéon. L’Amoureuse de 1891 a la même importance dans l’histoire du théâtre que les Corbeaux de 1882. Elle a fondé une comédie : la comédie du couple. À la vérité, ici encore, Becque était venu avant Porto-Riche, et la Parisienne ouvrait les voies à Amoureuse. Mais dans la Parisienne Becque fait la comédie d’un ménage, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, et du ménage à trois. Et l’inévitable amant figure aussi dans Amoureuse, mais enfin Porto-Riche, le premier, pense que la vie d’un couple marié, et particulièrement la vie du lit, peut fournir toute la matière d’une pièce. Le public l’accepta, lui fit un triomphe que partagea son admirable interprète, et la pièce du couple fut fondée.

Le Passé en 1897, et le Vieil Homme en 1911 ne forment trilogie avec Amoureuse que si l’on prend pour fil conducteur une certaine autobiographie transposée de l’auteur (Un Homme léger était le titre primitif du Vieil Homme), les mémoires d’un cœur et d’un passage parmi les femmes. La Dominique du Passé est peut-être le chef-d’œuvre de ce qu’on pourrait appeler le portrait dramatique, c’est-à-dire d’un caractère complexe, présenté avec toutes les demi-teintes psychologiques du roman d’analyse, et qui prend vie par les meilleurs moyens dramatiques : situations signifiantes, action réelle, mots justes ou profonds, style littéraire, et parfois d’ailleurs plus littéraire que naturel. Les deux aînés de cette génération dramatique, Becque et Porto-Riche, non seulement en sont les maîtres, mais ils sont des maîtres.

Un livre de combat contre Porto-Riche a pour titre Le Racine juif. Ce titre n’est pas inexact. Porto-Riche, comme Mendès, était un de ces Juifs portugais de Bordeaux, délégués volontiers à une sensualité fiévreuse. Et l’on peut dire