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III
LE ROMAN
Vitalité du Roman.
La génération de 1914 s’est trouvée presque automatiquement, et se trouve de plus en plus portée à s’employer dans le roman, à s’exprimer par le roman. Il appartiendra à ses successeurs de reconnaître ce qu’elle y aura apporté de durable. On peut apercevoir dès maintenant ce qu’elle y a ajouté de nouveau.

Notons d’abord qu’elle se trouvait devant le roman moins embarrassée, moins grevée par le passé, que devant la poésie. Dans son massif, dans sa vie collective, la ligne du roman français ne date que de la génération de 1820, tandis que la ligne de poésie date de la génération de 1550. Le roman est un genre encore jeune, et qui se renouvelle sans s’épuiser manifestement.

Ajoutons qu’au contraire de la poésie il est en relation continue et nécessaire avec l’étranger, qu’il y a une internationale du roman, que cette vie dans l’espace, cette présence du roman anglais ou du roman russe, ont été jusqu’ici favorables au roman français, lui ont proposé des suggestions sans lui imposer des imitations, et cela particulièrement à cette génération de 1914, qui voyage davantage et qui est plus occupée des lettres étrangères que ne l’avaient été les autres.

Enfin jamais la littérature n’a été contrainte de déférer autant à la demande du public, de se soumettre autant aux conditions du succès. Or le public demande des romans. On verra plus tard si la génération de 1914 est une génération de prix, mais on sait dès maintenant que c’est la génération