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quels s’est jetée cette génération du mouvement, et qu’a exprimés à sa manière le terme d’inquiétude.

Pourtant, quand, au départ de la génération de 1914, les devins de la critique ont examiné leurs poulets, c’est bien le contraire de l’inquiétude que leur présageait pour cette jeunesse la volaille sacrée : génération virile et précocement mûrie, génération d’énergie et de décision, qui après la victoire du dehors sur l’ennemi allait remporter, au dedans, la victoire sur les vieilles littératures, sur les byzantinismes tortueux. Que ne se promit-on pas de la littérature de guerre et de la littérature d’après-guerre !

Le Roman de la Guerre.
Restons dans le roman. Le roman de guerre a eu trois grands succès, le Feu, les Croix de Bois, Vie des Martyrs. Ce succès était mérité. Les trois livres ont subsisté et subsisteront. Mais au contraire des romans de l’aventure, ce sont bien moins des créations que des mises au point. Barbusse, dans son roman d’une escouade, a mis au point de 1914 la Débâcle de 1870. Il a eu d’ailleurs raison. Les vieilles guerres sont toujours faites et vécues par les mêmes escouades à base paysanne, de même que les diplomaties qui les préparent les sortent des mêmes dossiers sur le bureau de Vergennes. Enfin Zola était venu le premier. Les Croix de Bois nous ont donné, écrits par un conteur combattant, ces tableaux de la guerre en ordre dispersé, où les auteurs des Soirées de Médan voyaient fort bien la meilleure manière de les présenter. Vie des Martyrs était porté par l’immense faveur, alors, de Dostoievsky. La guerre par elle-même n’a renouvelé ni la matière du roman, ni sa forme. Mais l’après-guerre ? Le retour ? l’Odyssée après l’Iliade ?
Le Roman du Retour.
Le roman de l’aventure avait tourné au roman de l’aventurier. Le roman de la guerre tourna vite au roman du combattant, du vainqueur, c’est-à-dire, selon le mot de Dorgelès, de celui qui en était revenu. Avec ces habitudes de bilatéralisme que nous avons déjà rencontrées, on délégua à Montherlant et à Drieu La Rochelle, pour représenter dans le roman et ailleurs le combattant qui revenait, une sorte de fonction collégiale. L’hexasyllabe Montherlant-et-Drieu devint usuel comme