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V
LE THÉÂTRE
Le Théâtre de l’arrière.
1914 ne trouvait pas du tout le théâtre en mauvais état. L’initiative de Copeau au Vieux-Colombier, succédant à celle d’Antoine, avait suscité un mouvement analogue à celui du Théâtre Libre. Avec une différence cependant. Le Théâtre Libre, c’était un théâtre, mais c’étaient aussi des auteurs. Or s’il serait injuste de dire que le Vieux-Colombier n’eut pas d’auteurs, c’est un fait qu’il n’en chercha pas : les projets de Copeau ne comportaient encore qu’une cure physique, un nettoyage de l’instrument, une formation de l’acteur et du public. Cependant un mouvement était suscité, qui allait sans doute porter ses fruits. D’autre part l’équipe qui avait débuté au théâtre à la fin du XIXe siècle était en 1914 en pleine production, le théâtre restait fidèle aux habitudes de la comédie de mœurs, et la société restait habituée aux mœurs de la comédie. La guerre bouleversa tout.

On ne pouvait pas mettre les mœurs de la guerre sur le théâtre, et l’on ne pouvait plus y mettre les mœurs de la paix. D’autre part, il fallait faire travailler les théâtres. Un immense public de permissionnaires, d’étrangers, d’enrichis de guerre, d’allocataires ne demandait qu’à y dépenser son papier. L’industrie satisfit à cette demande comme elle le put ou plutôt comme ce public peu lettré le demanda. Les théâtres normaux durent pour subsister se mettre au pas de cette production, subir l’initiative d’industriels, hier marchands de billets, aujourd’hui marchands d’heures de spectacles. Ce fut le théâtre Quinson. L’art dramatique sincère, à l’armistice, s’était ré-