Page:Thibaudet – Histoire de la littérature française.pdf/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
de Racine, de Bossuet et de Fénelon. Lui-même dans les Martyrs s’affirme disciple de l’Homère classique, fénelonisé. Il fait la liaison entre le Télémaque et Anatole France, ce qui le met catégoriquement à l’antipode de la Romantique schlegelienne. Mais un Génie de la Romantique, ou plutôt deux parties de ce Génie, encadrent celui du Christianisme : c’est en 1800 la Littérature, et en 1810 l’Allemagne. Surtout, autour de Mme de Staël, le groupe de Coppet, avec ses éléments germaniques genevois et français représente pour la Romantique la place d’armes, ou la maison mère. À son retour de Weimar, Mme de Staël amène Schlegel à Coppet, où elle l’installe comme précepteur de ses enfants, et aussi comme son chef de chantier dans la construction de l’Allemagne.

En 1809, Benjamin Constant, qui a accompagné Mme de Staël dans son voyage d’Allemagne, publie (sur sa demande) une adaptation en vers de Wallenstein assez bizarre avec sa poétique pénible, l’unité de temps et de lieu étrangement imposée au drame de Schiller, et la suppression de trente-six personnages sur les quarante-huit de la trilogie, mais très importante et intéressante par sa préface, où Constant compare sagacement les deux systèmes dramatiques, et se prononce pour le romantique, qu’il a si peu suivi dans la conduite de son adaptation. La même année, le jeune Barante publie son Tableau de la Littérature française au XVIIIe siècle, qui est une œuvre de synthèse élevée, où le XVIIIe siècle, encore si vivant chez les contemporains de 1809, se trouve non déclassé, mais classé comme une époque historique.

En 1813, la Romantique monte sur un horizon, dans la mesure même où Napoléon décline sur l’autre. Cette année où Mme de Staël est en fuite, Coppet fermé, est celle où l’esprit du groupe de Coppet se répand en France par trois œuvres qui font du bruit et qui auront de l’influence.

Les trois livres de 1813.
D’abord, en mai et juin, les quatre volumes (littératures provençale, italienne, espagnole, portugaise) de Sismondi, De la Littérature du Midi de l’Europe que l’auteur pensait compléter par la Littérature du Nord : livre très genevois par son information européenne, son souci moral, son cosmopolitisme, sa lourdeur de style, et ce thème des littératures du Nord et