doit se faire tutrice et institutrice. Elle remet la souveraineté au suffrage universel comme si celui-ci était déjà éclairé, judicieux, raisonnable, et elle doit morigéner celui qui, par fiction, est le maître[1]. » Aussi les éducateurs protestants se proposèrent-ils, en France, de mettre l’enfant et l’homme en état de juger eux-mêmes, d’exercer leur volonté, de se donner une vie morale.
On a certainement attribué une influence exagérée à la morale de Kant, que les professeurs de l’Université « réfutaient » dans leur cours comme ils « dépassaient » sa critique, et tout ce qu’inspire à ce sujet à M. Barrès, dans les Déracinés, reste très fantaisiste. (Je discuterai cela ailleurs.) M. Maurras allonge démesurément une idée juste lorsqu’il écrit : « Nos kantistes sont les directeurs de l’enseignement. Certains livres, certains systèmes, certains noms sont proscrits par eux : les écoles n’en entendent jamais rien dire… Index huguenot et révolutionnaire[2]. » Ce qui est exact, c’est que du kantisme pris dans son ensemble a passé dans la philosophie universitaire une doctrine de la croyance. On peut même trouver caractéristique que la croyance fasse le titre et le sujet de la thèse de M. le recteur Payot, l’homme dont l’influence sur le « spirituel » de l’enseignement primaire a été le plus considérable (il appartient d’ailleurs à une famille protestante de Chamonix.) Une raison personnelle s’est opposée peu à peu à cette raison impersonnelle que l’éclectisme de Cousin avait, avec un certain flair pédagogique, établie comme un terrain neutre ou une plaque tournante entre des doctrines que l’enseignement philosophique devait, entre 1840 et 1880, obligatoirement respecter. Or le protestantisme pouvait trouver dans sa nature religieuse le principe ou l’équivalent des théories de la raison personnelle. Le philosophe de la liberté et du « personnalisme », notre plus forte tête pensante entre Comte et Bergson, était exactement dans la logique sociale de son criticisme lorsque, reprenant une idée de Quinet (qui en sema beaucoup) il se fit inscrire à l’église réformée d’Avignon et commença son apostolat naïf pour protestantiser la France.
Tout cela M. Maurras l’exprime à sa façon en donnant de ce pouvoir spirituel cette définition :
« La seule doctrine que patronne et que subventionne cet Index est celle-ci.