Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

I
SUR  L’ACROPOLE

Même n’en usant qu’à titre d’hypothèse commode, la critique trouve une aide dans l’habitude de se référer aux idées-mères, aux natures simples qui, parmi la ruine dont elles ne subissent point l’atteinte, durent sur l’Acropole. Quand M. Maurras fit là-haut son voyage, une petite fille, nous raconte-t-il, au premier jour lui montra d’un doigt tendu son chemin. Et, dans son œuvre, Anthinea nous conseille, pour la situer et pour le situer lui-même, par un geste pareil vers la même direction. Ce sont des idées athéniennes qui nous donnent dès l’abord sa formule spirituelle, et suscitent le Chien constellation céleste au-dessus du chien de garde, animal aboyant.

« La femme, dit l’auteur du Romantisme féminin, a découvert, dès les origines, l’esthétique du Caractère à laquelle fut opposée plus tard cette esthétique de l’Harmonie, que les Grecs inventèrent et portèrent à la perfection, parce que l’intelligence mâle dominait parmi eux. Les Grecs firent du sens général et national du beau le principe de toute leur civilisation que Rome et Paris prolongèrent. Les autres peuples d’Orient ou d’Occident, c’est-à-dire tous les barbares, se sont tenus au principe du Caractère, tel que le sentiment féminin l’avait révélé[1] »

De ces termes d’harmonie et de caractère retenons ici l’idée d’une opposition. Opposition entre une sensibilité et une intelligence, entrée un tourbillon passionnel et un ordre de pensée, qui donnent à la nature littéraire de M. Maurras son rythme et son ton. De M. Maurras et de bien d’autres, chez qui les éléments d’abord en lutte sont les mêmes. Des Amants de Venise, tragédie qu’il a transposée dans une histoire extérieure, mais dont il s’est déclaré le théâtre et le sujet, à l’idée catholique et positiviste de l’ordre qui se rencontre dans la Politique Religieuse, on distingue facilement le sens de la courbe. Et plus anciennement le Chemin de Paradis… Les créateurs de l’Acropole voyaient en cette confrontation d’un ordre masculin et d’un ordre

  1. L’Avenir de l’Intelligence, p. 239.