voulez une religion pour le peuple. Argument qui, appliqué à un apologiste du dehors, n’est jamais complètement inexact : le catholicisme est toujours pour lui la religion des autres. Mais ce n’est là, quand il s’agit de M. Maurras, que le degré le plus bas et le plus grossier de la vérité. Lui aussi pourrait dire comme M. Barrès dans sa campagne pour les églises de France : C’est pour moi-même que je me bats. Seulement, tandis que M. Barrès se bat pour une condition de sa sensibilité, M. Maurras se bat pour une condition de son intelligence. Certes il se reconnaît une sensibilité catholique. « Bon gré mal gré, ce sang, cette chair, nos premiers éléments de pulpe nerveuse, ce que nous sommes d’intime, de physique, d’originel, tout cela n’a pas eu à choisir une religion… Nous sommes une organisation catholique… Toute atmosphère catholique nous pénètre de l’air spirituel qu’ont respiré nos morts[1]. » Mais au-dessus de nos organisations particulières régne en nous l’intelligence qui organise, et cette intelligence, selon M. Maurras, en tant qu’elle organise, en tant même qu’elle pense juste, est catholique aussi. L’Église est le « dernier organe autonome de l’esprit pur. Une intelligence sincère ne peut voir affaiblir le catholicisme sans concevoir qu’elle est affaiblie avec lui : c’est le spirituel qui baisse dans le monde, lui qui régna sur les argentiers et les rois, c’est la force brutale qui repart à la conquête de l’univers[2]. »
L’Église, sous son chef, constitue le chœur puissant et subtil, un et divers des forces qui subordonnent le particulier au général, l’ordre défini qui soutient les individus et contre lequel l’individu ne peut, sans extravagance et sans contradiction, usurper, puisque sans cet ordre il ne penserait pas, il ne serait pas. Dans le Chemin de Paradis, où toutes les idées de M. Maurras figurent déjà, mais nues et comme de juvéniles bacchantes, le mythe des Serviteurs nous décèle clairement quelle pente, dans son intelligence, ces idées creusent et suivent. Il flétrit ces hommes sans discipline, qui « redoutent d’être esclaves, et c’est l’être, en quelque façon, que d’obéir à soi, d’exécuter d’anciens projets, d’être fidèle à de vieux rêves. Ils se sont affranchis de la constance et l’univers entier les subjugue chaque matin[3]. » Mais les bons serviteurs disent à leur maître Criton : « Nous avons besoin d’un père, d’une mère et d’un fidèle ami. Tout de toi nous sera léger, les injures, les