ont beau jeu contre ce désir ou cette passion des richesses. Mais elle est établie psychologiquement sur le même besoin de s’étendre et de durer qui conduit l’homme à fonder une famille, le philosophe ou l’artiste à réaliser une œuvre, le politique à fortifier un État. On prêchera contre l’« avarice », avec la même inutilité et le même anachronisme qu’on exhumera les thèses de saint Thomas contre l’« usure ». Mais au contraire l’idée de paix aura fait un pas décisif, quand la science économique, rendue plus manifeste, écrite en plus grosses lettres par des événements comme ceux de la grande guerre, aura fait reconnaître à tous la « grande illusion » et montré que la guerre ne paie pas, que la guerre paiera de moins en moins. Il est vrai que M. Maurras s’est attaché à propager pendant la guerre l’idée d’une guerre qui paie. Mais on peut jouer sûrement à la baisse sur cette valeur intellectuelle de guerre.
Le spirituel ne règle que l’individuel, la doctrine de l’Église sur la guerre consiste tout entière en ceci, qu’elle s’efforce de faire en sorte que ce fléau social qui perd les États ne devienne pas un mal individuel qui corrompe les âmes. M. Maurras parle d’un « pacifisme catholique et positif » qui « se présente comme une doctrine intelligible, liée, rationnelle, supérieure en réalité, mais en accord avec toutes les lois des choses[1]. » Mais en quoi consiste ce « pacifisme ? » L’Église enseigne que la guerre est un des châtiments qui sont imposés depuis le péché originel à notre nature déchue, que telle guerre en particulier châtie tels ou tels péchés collectifs des nations, qui n’ayant pas de vie d’outre-tombe pour les expier doivent être punies dans ce monde. Elle a pour fonction propre d’établir la paix dans l’homme, de le réconcilier avec lui-même, avec autrui, avec Dieu. Là est son domaine : le peu de cet esprit qu’elle fera par hasard passer dans les relations entre peuples sera toujours autant de gagné, mais qu’il en passe peu ! Contre les puissances de haine gratuite et aveugle déchaînées dans le cœur humain par la guerre, la morale chrétienne et l’Église qu’ont-elles fait ? Le socialisme humanitaire seul a agi, mais en reportant sur des compatriotes une part de cette haine. Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, dit l’Église : à quand la paix sur la terre par les hommes de bonne volonté ?
L’Église constitue un instrument « d’ordre intellectuel et moral ». À M. Maurras aussi, sans doute, on n’a pas manqué de dire : Vous
- ↑ Le Pape, p. 8.