Chemin de Paradis. Les femmes, si brisées et humiliées par nos mœurs, se sont vengées en nous communiquant leur nature. Tout s’est efféminé, depuis l’esprit jusqu’à l’amour. Tout s’est amolli. Incapable de disposer et de promouvoir des idées en harmonieuses séries, on ne songe plus qu’à subir. » Des générations toutes faites d’argile M. Maurras verrait sans doute l’équivalent d’art dans une forme poétique trop spontanée qui ne sait que se complaire indéfiniment dans son abondance oratoire ou dans ses ressources verbales et que céder au flux et à la magie des mots.
En d’autres termes le romantisme lui est apparu comme la forme littéraire de ce que la République des camarades a installé en plein dans le centre de l’état politique, la facilité. Lamartine qui la possédait démesurément l’appelle la grâce du génie, et le classique qu’était au fond Musset se moque de lui. « Avez-vous lu Jocelyn, l’abbé ? — Oui. Il y a du génie, du talent, de la facilité. » Et dans une autre édition de Il ne faut jurer de rien, comme l’interlocuteur de M. Harpin, il efface Jocelyn pour le remplacer par Eugène Sue… Cette facilité qui coule de sa plume dans l’Histoire des Girondins comme elle coulait de la bouche même de Vergniaud, elle s’écoulera dans la rue quand l’Histoire des Girondins y descendra en 1848 ; elle est l’essence même, la pente naturelle du régime républicain et de la démocratie. Elle figure un acte de foi dans une sorte de facilité suprême qui serait à la racine de l’être, dans une disposition des choses à se faire toutes seules, idée tellement naturelle au philosophe démocratique de la Réalité du monde sensible qu’il nota comme une révélation prodigieuse (et vite oubliée) l’apophtegme contraire. Cette croyance, en relâchant les sources de résistance, les fibres combatives, les énergies de réaction, en faisant de la paix par exemple une sorte d’état naturel qui s’institue et se maintient de lui-même, représentait à M. Maurras, lorsqu’il écrivait Kiel et Tanger, « cinq cent mille jeunes Français couchés froids et sanglants sur leur terre mal défendue ».
Il n’y a pas longtemps, M. Maurras écrivant son article quotidien de l’Action Française, une nuit d’avions allemands, l’intitula tout naturellement Philosophie de l’alerte. Devant ces gens affolés qui couraient en hâte aux abris, M. Maurras songeait à l’essence de la paix et de la guerre. Il semblait que sur la capitale, fourmilière émue par le talon des puissances supérieures, cet état de trouble fût une exception, un scandale, le bouleversement de l’ordre et de l’assiette naturelle. M. Maurras invitait son lecteur à voir là au contraire un