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tout frais, s’indignait qu’aucun état de noblesse fût placé au-dessus des duchés-pairies. La formation d’une aristocratie est un fait extrêmement simple et qui porte toujours les mêmes caractères.

Une trentaine de coups de sonde analogues jetés dans la société française contemporaine permettraient une théorie de l’aristocratie plus substantielle que ne sont les billevesées sur l’« aristocratie intellectuelle » des démocraties, plus réaliste et moins systématique que l’idée, presque toute polémique, des quatre états confédérés. Cette théorie trouverait d’ailleurs de précieux secours dans les vues si justes de M. Maurras sur les caractères d’une vraie aristocratie, sur la fonction de l’Intelligence dans la création et la reconnaissance des valeurs sociales. Elle serait amenée à proposer tant au pouvoir spirituel qu’au pouvoir temporel un choix raisonné entre ces trois attitudes possibles : ou laisser avec indifférence le phénomène aristocratique jouer spontanément et l’ignorer, — ou l’affecter d’une mauvaise conscience par les railleries de milieu et par les obstacles du code civil, — ou lui donner une bonne conscience, l’encourager par la bienveillance de l’opinion, le secours de la loi, et l’exemple de l’institution héréditaire placée au sommet du pouvoir.

IV
L’ABSENCE DU ROI

La critique de M. Maurras nous a donc donné de la France démocratique deux définitions également négatives : La démocratie c’est le mal et la mort, c’est l’inorganique et l’incohérent, — et : La République française, c’est la carence d’une vraie aristocratie que remplace grossièrement une fausse. Les deux définitions en supposent une troisième, que M. Maurras emprunte à Anatole France : La République c’est l’absence du roi.

Toutes les questions, dit M. Maurras, « sont parvenues à un degré d’acuité et de profondeur tel, vraiment, qu’aucune ne peut former un cas particulier ni isolé, et qu’il n’est plus possible de les distinguer